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Le quotidien de la vie

Concilier vie professionnelle de cadre, maternage proximal ou parentalité positive et agriculture biologique sur terrasse en ville.

La grande aventure de l'école Montessori

N'élevons pas nos enfants pour le monde d'aujourd'hui. Ce monde n'existera plus quand ils seront grands. Aussi nous devons, en priorité, aider l'enfant à cultiver ses facultés de création et d'adaptation.

Maria Montessori

La grande aventure de l'école Montessori

Pourquoi une école différente ?

Quand mon fils aîné a commencé à grandir, j’ai vu resurgir en moi les angoisses d’école traînées pendant quinze ans (de la première année de maternelle à la dernière année de lycée). « J’veux pas y aller, disais-je quotidiennement à ma mère.

- C’est normal, c’est la petite angoisse du matin, me répondait-elle invariablement. »

Il s’est avéré par la suite qu’en fait de petite angoisse du matin, ce mal de ventre s’était mis à cacher une grosse appendicite mais c’est une autre histoire.

Bref, je me souvins de plus en plus régulièrement et avec force détail de l’angoisse que suscitait physiquement en moi la perspective d’aller à l’école, avec tous ces enfants inconnus, tous ces adultes que je ne connaissais pas toujours, dans cet univers très haut de plafond, très gris, très froid (une école communale parisienne typique avec ses grandes fenêtres sales, son préau qui résonne et sa cour plantée de marronniers). Un univers dans lequel l’enfant que j’étais restait à la merci des adultes, probablement plutôt bienveillants pour les années 1980. Un univers dans lequel je devais me plier à la volonté d’un adulte quant aux activités que je faisais : il est l’heure des jeux d’imitation (poupons, cuisines, dinettes…) ou de faire un cendrier en argile avec la forme de ma main (vive les années 80) ou de lancer des ballons dans la cour. Jamais il n’était possible de prolonger une activité qui me plaisait ni de choisir moi-même celle qui conviendrait le mieux à mon humeur du moment… Oui je me souvins très précisément de tout cela au fur et à mesure que mon fils grandissait. Je revois l’arrachement que constituait pour moi le départ de ma mère le matin, je restais assise dans un coin, pas loin de la maîtresse, avec un petit mouton en peluche qui a essuyé tant de larmes qu’il n’est désormais plus qu’une serpillère du passé, incapable de ranger dans ma poche les petites photos d’identité de mes parents, qu’ils me laissaient pour passer une bonne journée, pour avoir quelque chose à quoi me raccrocher.

Je me suis alors dit que ce n’était pas envisageable de revivre cela, ni pour lui ni pour moi. Je ne voyais en effet pas pourquoi mon fils dont le caractère se rapprochait de plus en plus du mien, se serait senti plus épanoui dans un tel environnement…

Dans le même temps, on a commencé dans les médias à faire grand bruit autour des méthodes d’éducation différentes et dans les livres que je lisais sur la bienveillance parentale, je retrouvais fréquemment des références aux méthodes Freinet, Steiner, Montessori. Visiblement l'utilisation de couche lavable et d’écharpe de portage jumelée à la pratique de l'hygiène naturelle infantile et à un allaitement long mènent irrémédiablement les enfants à une scolarité alternative...

On lit partout que ces écoles forment les génies de la Silicon Valley mais ce qui me plaît en elles c’est surtout la place qu’elles accordent à l’enfant, la confiance qu’elles lui font pour être sujet et non objet de son propre développement. J’ai donc recherché une école de ce type à proximité de chez moi (j’étais prête à traverser une ou deux banlieues proches si nécessaire) et ai ainsi découvert qu’une école s’était ouverte l’année précédente non loin de là. Nous avons donc, en famille, entamé un long processus d’inscription (participation à des journées porte ouverte puis séance d’observation en classe puis renseignement d’un dossier de pré-inscription (que fait votre enfant pour jouer ? quels sont vos principes d’éducation ? comment avez-vous connu la pédagogie Montessori ? comment décririez-vous le caractère de votre enfant ?) puis entretien familial avec la direction de l’école puis entretien avec les parents seuls) jusqu’à obtenir la place tant voulue.

Une école Montessori c’est quoi ?

Quand on entre dans la classe, on est saisi par l’ordre et le calme qui y règnent. Toute la journée, quatre jours par semaine, s’y côtoient 29 enfants de 3 à 6 ans. Lorsque la troupe est trop agitée, une éducatrice lance un disque de Mozart et la quiétude revient progressivement. Le long des murs et au milieu de l’espace, des étagères basses permettent de ranger les 350 activités du programme, sous forme d’un matériel spécifique et, de prime abord, surprenant. Les activités telles qu’elles sont rangées présentent des univers spécifiques à travers lesquels les enfants vont naviguer au gré de leurs apprentissages et de leurs envies.

Les éducateurs (on ne parle pas de maître ni d’instituteur) sont là pour présenter les matériels des différentes activités aux enfants et leur montrer comment s’en servir seul. Une fois que le matériel a été présenté et s’il est disponible, l’enfant peut le prendre et s’en servir autant de fois qu’il le souhaite. Il n’y a qu’un seul exemplaire de chaque activité dans la classe, il faut donc attendre son tour pour s’en servir et le ranger à la fin. L’éducateur n’intervient plus dans la manipulation de l’activité une fois qu’il l’a présentée à l’enfant car toute intervention serait perçue par l’enfant comme un échec (il faut que je me rentre ça dans le crâne...).

Concrètement, depuis la rentrée j’interroge tous les jours mon fils pour savoir ce qu’il a fait (tout en sachant qu’il ne m’en dira qu’un tiers si j’ai de la chance) : « quelle a été ton activité préférée aujourd’hui ? » Il faut éviter les questions du type « raconte moi ta journée » qui sont trop complexes pour leurs petits cerveaux… Souvent il me répond qu’il ne sait plus mais au fil des jours j’ai appris à connaître les activités qui l’occupent et à reposer ma question « as-tu fait l’activité des cylindres aujourd’hui ? ou alors celle des cadenas ? ou bien la pyramide rose ? » Si je veux en savoir plus, je pose des questions un peu différentes « Quelle est l’activité préférée de ton copain F***?

- L’escalier en bois.

- Ah ! oui ? et comment cela fonctionne-t-il ?

- Il faut mettre un tapis dans le cercle blanc par terre et poser l’escalier en bois dessus et ensuite on fait l’activité. »

Les enfants font parfois des activités en commun mais la plupart du travail se fait seul. Cela ne les empêche pas d’avoir des temps regroupés : la lecture d’une histoire en fin de matinée, la virée au stade deux fois par semaine (mens sane in corpore sano) ou le déjeuner.

Le déjeuner du midi est une activité d’apprentissage en soi. Les enfants, à tour de rôle et par équipe vont mettre le couvert, servir à table et débarrasser. Pour les parents qui me lisent et qui pensent que cela est dangereux, sachez que mon fils m’aide à remplir et vider le lave-vaisselle depuis qu’il a deux ans et demi.

Les écoles Montessori n’ont pas de cantine : les parents peuvent apporter le déjeuner de leurs enfants (dans un thermos car il est interdit à l’école de réchauffer la nourriture) ou recourir au service traiteur proposé par l’école. Le coût du repas traiteur bio est, dans ma commune, supérieur de 5% au coût du repas pas bio que j’aurais payé à l’école publique…

Le programme de la journée est invariablement le même et cette routine sécurise les enfants. L’arrivée se fait entre 8h et 8h30. Dans le vestiaire, nous déposons le manteau, le sac à dos et les chaussures troquées contre des chaussons confortables qui ne glissent pas et supportent des tâches et de l’eau (peinture, activité avec de l’eau car oui, il y en a…). Puis avant de rentrer dans la classe, il faut se laver les mains. Cela étant fait, l’enfant indique qu’il est présent en accrochant sa photo dans une petite maison dessinée sur la porte de la salle de classe. Les activités sont « libres » jusque 10h30, heure à laquelle on se lave les mains puis on lit une histoire ou on met la table si on est dans le groupe concerné par cette activité. A la place de l’histoire, on va au stade lorsque c’est le bon jour et que la météo le permet. Ensuite à 12h on déjeune puis à 13h on débarrasse et on va se brosser les dents et laver les mains avant la sieste pour les plus petits. Les grands ont un temps calme avec de la lecture apportée de chez eux et partagée avec la classe. A 15h30 on réveille les petits et on rhabille tous les enfants qui attendent à partir de 16h qu’on vienne les chercher.

Une école Montessori c’est cher

Oui, c’est cher. C’est doublement cher même, puisque mon impôt sur le revenu et mes impôts locaux paient la place que je n’utilise pas dans l’école publique et que je paie en plus la place dans l’école Montessori qui n’est pas sous contrat avec l’Etat, donc ne bénéficie d’aucune subvention. Cela s’explique parce que l’Etat français ne reconnaît pas un des principes fondamentaux de la pédagogie Montessori qui est que l’enfant apprend à son rythme entre 2 et 7 ans, en gros et qu’il n’y a pas de classe d’âge avec des acquisitions à vérifier. De ce fait, ce sont les parents qui supportent la totalité du coût de l’école : locaux (très chers en région parisienne), personnel, matériel. En 2015, on estimait que la scolarité d’un enfant dans une école publique coûtait annuellement 6220€ pour une année de maternelle ou de primaire (http://www.francetvinfo.fr/replay-radio/tout-comprendre/quel-est-le-cout-d-un-eleve_1785547.html). C’est à peine 15% de moins que ce coûte l’école Montessori et je pense que c’est uniquement une question de coûts des locaux.

Du coup quand je lis partout ou que j’entends à la radio que ces écoles sont élitistes et réservées à des populations privilégiées, je suis légèrement choquée parce que la seule raison pour laquelle ces écoles sont très payantes c’est que l’Etat refuse de reconnaître ce que la plupart des pédopsychiatres vous diront, jusqu’à sept ans les acquisitions se font dans un ordre spécifique à chaque enfant. D’ailleurs Maria Montessori a pensé ces matériels et manières d’apprendre, à l’origine, pour des enfants déficients puis les a appliqués à des enfants de milieux défavorisés (voir son ouvrage, L’Enfant).

Et quand on vous dit « oui, la maîtresse de mon fils fait ça, de la pédagogie Montessori » , ce n’est pas possible car elle a plus que probablement des élèves d’un même âge avec des acquisitions particulières à réaliser sur l’année donc elle ne sélectionnera qu’une partie du matériel qu’elle juge, elle, adaptée à l’enfant. En outre j’imagine mal un / une instituteur / trice passer le temps nécessaire à la présentation du matériel avec chaque enfant, individuellement. Et j’imagine encore moins qu’on laisse l’enfant s’en servir vraiment seul.

Dans la continuité de la démarche d’éducation Montessori et dans un objectif de saine gestion et de réduction des coûts de fonctionnement, l’école s’est lancé dans une démarche de labellisation d’eco-école : réduction de l’utilisation du papier, suppression des sacs plastique jetables pour rendre aux parents les vêtements souillés (les parents doivent apporter un sac étanche, type sac à couches lavables), sélection d’un traiteur qui livre sans portionnage individuel trop générateur de suremballage, sensibilisation des enfants aux problématiques environnementales, collecte de bouchons en plastique (bon, là j’avoue que je ne comprendrai jamais à quoi ça sert. D’ailleurs les bouchons en plastique sont une telle aberration écologique que j’évite au maximum les produits qui en proposent et suis donc très pauvre sur cette activité de recyclage) et en liège…

Bilan après un mois de pratique

Tous les jours je suis rassurée d’avoir inscrit mon fils dans cette école où les adultes développent une attitude bienveillante à l’égard des enfants et ne les maltraitent pas.

Je ne parle pas de maltraitance physique mais j’ai été si choquée par les histoires rapportées de-ci de-là par mes connaissances à propos de l’entrée à l’école de leur progéniture : unetelle a passé 10 minutes assise par terre à côté de sa chaise en réprimande, untel pleure tous les matins et la maîtresse ne veut pas qu’il reprenne son doudou qui passe la journée dans le panier à doudou, unetelle ne veut plus aller à l’école car la maîtresse crie littéralement toute la journée, untel a passé la matinée à pleurer parce qu’il voulait faire une construction en Lego et qu’on lui a demandé d’arrêter pour aller faire une main-cendrier en argile… cela me rappelle lorsque j’ai été punie, en dernière année de maternelle, par la directrice de mon école parce que j’avais écrit mon prénom en lettres cursives et que c’était interdit, on n’avait le droit d’écrire qu’en lettres bâton.

Je n’évite pas, tous les matins, la litanie du « j’veux pas aller à l’école » mais quand on discute, les arguments tombent vite… Il y a eu, par ordre chronologique du plus ancien au plus récent :

  • Parce qu’il y a trop d’enfant dans l’école (il y a 60 enfants de 2 à 6 ans)
  • Parce qu’il y a trop de grands (les grands ont 6 ans et ils sont environ 15)
  • Parce que les grands font trop de bêtises (bêtises reproduites après l’école, au square, avec les grands)
  • Parce qu’il n’y a rien à faire (350 activités…)
  • Parce que je ne veux pas faire la sieste (tu n’es pas obligé…)
  • Parce que c’est comme ça (nous y voilà).

Il a quand même passé le week-end à jouer tout seul à « mon petit œil voit… ».

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