Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le quotidien de la vie

Concilier vie professionnelle de cadre, maternage proximal ou parentalité positive et agriculture biologique sur terrasse en ville.

La journée internationale de l'égalité homme / femme

La journée internationale de l'égalité homme / femme

Je ne résiste pas à vous poster ici et aujourd'hui ce mail que j'ai envoyé l'an dernier à l'occasion de la journée de la femme à mon amie A.

Tout est vrai. Un an après, tout est même pire.

" j'ai reçu ce matin le rapport trimestriel confidentiel de mon entreprise. Quelle ne fut pas mon heureuse surprise que d'y trouver des informations sur la répartitions des genres au sein de la société... Si on fait des recoupements entre les chiffres et ma connaissance du "terrain", on arrive à des conclusions très intéressantes.

Tout d'abord, on constate qu'il y a un tiers de femmes et deux tiers d'hommes dans la société. De prime abord cela peut avoir l'air assez discriminatoire mais il faut garder à l'esprit qu'il s'agit d'une métier très masculin (le conseil nécessite souvent des déplacements et des horaires élastiques) dans un secteur très masculin (les technologies de l'information). L'un dans l'autre, ce n'est donc pas si mal.

Ensuite sur les fonctions supports, tu vois qu'elles représentent 6% des effectifs. Il faut savoir que là s'inverse la tendance de répartition : un tiers d'homme, deux tiers de femmes ! les femmes font donc du support...

Pour l'analyse la plus poussée, il faut croiser les classes d'âge et les grades.

Les grades, ce sont les niveaux hiérarchiques. Les salaires sont échelonnés le long de ces grades, selon une grille inflexible (enfin pour les nouveaux embauchés car pour les salariés historiques, c'est différent). En gros tu commences en bas de la bande A (comme Associate, ce sont les exécutants) à 35K€ et tu finis en haut de la bande A à 53K€. Pour la bande M (comme Manager), tu commences à 60K€ et tu finis à 70K€ mais il n'y a que deux grades. Ensuite tu deviens associé (bande D, comme Director) mais pour ce faire tu dois apporter à l'entreprise au minimum 200K€ de capital. Il me semble que sur ce grade tu es salarié, payé environ 90K€ mais avec un bonus conséquent en termes d'apport d'affaires.

La bande A, où je suis, compte 3 niveaux et concerne majoritairement des personnes de 25 à 30 ans. A quelques exceptions près avec des personnes plus âgées mais qui souhaitent rester dans cette bande, à son niveau supérieur, car il implique moins de responsabilités. Mais aussi moins de salaire.
Sur les 33% de femmes au global dans le cabinet, on peut enlever 4 points pour les fonctions support (deux femmes entre 30 et 40 ans). On part donc sur une analyse de la répartition des 29% de femmes. Tu constates qu'il y a 18 femmes de moins de 35 ans et 4 femmes de 35 à 45 ans. Parmi ces femmes de 35 à 45 ans, l'une est associée donc dans la bande D. Parmi les femmes de moins de 35 ans, je sais que 3 sont managers, donc dans la bande M. Ce qui nous fait, au global et d'après mes estimations, que sur 67 collaborateurs, il y a 21 femmes, et que sur ces 21 femmes, 2 sont en fonction support, 15 en bande A, 5 en bande M, et 1 en bande D.
Pour les hommes, ces chiffres seraient donc :1 en fonction support (contre 2 femmes), 15 en bande A (comme les femmes), 17 en bande M (contre 5 femmes) et 8 en bande D (contre 1 femme).

A ce stade, on perçoit bien l'inégalité rampante, même si elle est habilement déguisée par une grille de rémunération inflexible qui n'a rien voir avec le genre et tout à voir avec le grade. Sur les 5 femmes managers, deux seulement ont un enfant (et un seul) qu'elles ont eu après 35 ans.

Si on ramène cela aux salaires, voici mes conclusions.
Dans la bande A, tu gagnes de 35 à 53K€, soit en moyenne 44K€. Dans la bande M, tu gagnes de 60 à 70K€ soit en moyenne 65K€. J'inclus les fonctions support dans la bande A pour le calcul des salaires. On a donc 17 femmes qui ont un salaire moyen de 44K€ (contre 16 hommes), 5 qui ont un salaire moyen de 65K€ (contre 17 hommes) et un qui a un salaire moyen de 90K€ (contre 8 hommes). Donc le salaire moyen d'une femme du cabinet est de 50K€ alors que pour un homme il monte jusqu'à 61K€, soit une différence de 20%.

Pourquoi cette disparité ? parce qu'il n'est pas si facile, à mon avis, de passer manager (et donc de rejoindre le clan des 60K€ de moyenne). Pour passer manager, tu dois être disponible, ne pas compter tes heures, prendre des responsabilités importantes, te déplacer, te pointer à cette fameuse réunion de service le lundi à 19h, etc. Du coup je ne sais pas si ce sont les femmes qui se brident ou l'entreprise qui ne favorisent pas leur montée en grade.

Vendredi dernier, mon équipe a eu un déjeuner d' "account review" (oui, on adoooore les anglicismes), avec un associé responsable commercialement de notre compte (= de notre client). J'ai appris plusieurs choses intéressantes. Tout d'abord, comme de nombreux managers (ceux qui ne sont donc pas dans la bande A, comme moi), il pensait que moi aussi j'étais manager puis devant son erreur a dit qu'il pensait que j'avais demandé une promotion (= passer dans la bande M, pour devenir manager).

L'autre fille de l'équipe, elle, s'est vue proposer une promotion mais l'a refusée (mais pourquoi donc ? elle n'a pas d'enfant et un an de plus que moi...). Entre nous, je crois qu'elle fait un bon travail mais je ne la trouve pas brillante, ni entreprenante, ni exceptionnelle. En tout cas je ne la vois pas manager (avec la dimension nécessaire de faire monter les autres en compétences).

Alors que mon manager de mission (36 ans, bande M "sénior" payé 70K€) m'avait indiqué fin janvier (on a changé de modèle de rémunération, du coup je ne vais plus avoir de paie variable sur objectifs mais un fixe qui a été augmenté et finalement je ne le vis pas très bien car j'ai le sentiment d'avoir été rétrogradée d'une part et que si on ne glande rien on sera payé pareil malgré tout d'autre part) qu'il y aurait des promotions et que si ça se trouve j'étais déjà manager sans le savoir (pourquoi dire ça à quelqu'un si ce n'est pas vrai ? je suis certaine que cela l'était), depuis que j'ai annoncé ma grossesse il ne m'en a plus parlé sous cet angle et a toujours adopté avec moi un discours plus mesuré et sur le long terme (oui, ton objectif doit bien être de devenir manager car c'est ainsi que tu retrouveras une paie variable mais la paie variable ne doit pas être un objectif en soi ni un élément de motivation, tu dois être motivée par la perspective de changer de grade et de devenir manager).

je suis revenue brièvement en privé sur le sujet avec l'associé qui avait commis sa petite boulette au déjeuner. Il a bredouillé des trucs comme "oui non mais je ne savais plus ton grade ni ton ancienneté" (c'est vrai que comme on est 67, je suis déjà fascinée qu'il se souvienne du nom de ses employés... ahahahahha). J'ai répondu "oui bien sûr, je comprends, j'ose néanmoins espérer que cela n'a rien à voir avec l'annonce de ma grossesse car j'en ai entendu parler avant mais plus du tout après." Il a fait l'étonné "oh ! non, pas du tout". J'ai renchéri "oui, il me semblait bien aussi que ce n'était pas le style du cabinet". Et on s'est arrêté là.

Au moment de mon embauche l'été dernier, on m'avait proposé ce poste de manager. J'ai refusé en arguant que je ne connaissais pas le métier et que je préférais commencer au grade inférieur et procéder à une évaluation dans les 6 mois suivant l'embauche. Je sais que le DG, avec qui j'avais eu cette discussion, a d'ailleurs demandé à mon manager de me vendre (ne soit pas choquée, on dit comme ça) à un taux de manager et non au taux de mon grade (en gros je suis vendue à mon client 1100€ la journée au lieu de 950€).

En l'état, il me paraît vraiment hasardeux de croire que je vais bénéficier de cette promotion avant mon accouchement. Donc pendant 7 mois, soit 140 jours, mon entreprise va encaisser 154000 euros sur mon travail en m'ayant vendu au prix d'un manager, contre 133000 euros prévisibles vu mon grade. Mon salaire chargé pendant cette période va leur revenir à environ 47000 euros. Bénéfice de 107000 euros au lieu de 86000 prévisibles. Mon non changement de grade fait donc réaliser une belle économie. Sachant aussi que les bonus des managers sont calculés sur le taux de rentabilité (c'est-à-dire ce qu'il reste comme bénéfice de ta mission une fois que tu as enlevé les coûts = en gros, les salaires).

Bref, j'ai légèrement le sentiment de m'être fait avoir. "

Un an après, où en est-on ?

J'ai demandé ma promotion à mon retour de congé maternité mais comme mon "come back meeting" a eu lieu un mois après la date ultime de demande de promotion, il m'a été répondu que ma demande ne pouvait être prise en compte car elle ne rentrait plus dans le process. En mon absence, ont été promus managers quatre hommes dont deux plus jeunes que moi et une femme, celle dont je parlais plus haut, qui a 35 ans et pas d'enfant.

Pour information, quand j'ai pris mon congé maternité, je n'avais pas un an d'ancienneté donc ce congé n'a rien coûté du tout à mon entreprise. Dans ce contexte, me donner la promotion avant le départ en congé m'aurait surtout boostée à mon retour... d'autant que les grades de la bande A ont été saucissonnés pour mieux échelonnés les salaires une fois les bonus réintégrés dans les rémunérations fixes.

Ces nouveaux paliers ne devaient pas constituer des grades et devaient servir uniquement à porter des augmentations de salaire en attendant le changement de grade. Chaque collaborateur de la bande A devait d'ailleurs bénéficier d'une pesée de poste pour déterminer sur quel palier de son grade il se situait. Étonnement, nous étions tous au niveau le plus bas (elle est pas belle, la vie ?). Quelle ne fut donc pas ma surprise de constater que des embauches se sont faites sur le dernier grade de la bande A mais surtout sur son dernier palier. Ces embauches concernent deux hommes. Les femmes embauchées sur ce grade (dont l'une, c'est assez savoureux, est une étudiante d'une école de commerce dans laquelle j'ai donné des cours alors qu'elle n'était pas encore diplômée. Elle est donc payé autant que moi avec 5 ans d'expérience de moins) l'ont été sur le palier le plus bas.

La question posée par les délégués du personnel à ce sujet a trouvé la réponse suivante : c'est une question de compétence. C'est évident.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article