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Le quotidien de la vie

Concilier vie professionnelle de cadre, maternage proximal ou parentalité positive et agriculture biologique sur terrasse en ville.

#MeeToo

crédit photo @ #MeToo: यौन-उत्पीड़न की शिकार महिलाओं की आपबीती

crédit photo @ #MeToo: यौन-उत्पीड़न की शिकार महिलाओं की आपबीती

Avec ma cousine P, qui habite en banlieue parisienne, nous avons le droit pendant les vacances scolaires de nous déplacer seules dans Paris. Nous prenons le métro, nous allons faire du shopping à Mark’s & Spencer ou regarder les vitrines des Galeries Lafayette. Ce jour-là, nous sommes assises dans un wagon de la ligne 8, juste à une extrémité, à côté des portes. Il y a un peu de monde mais encore peu sensibles à la bienséance des transports en commun nous restons assises. C’est alors que ma cousine P me regarde effarée et me montre du nez un truc ignoble qui nous pend au visage. Un vieux dégueulasse nous a sorti son sexe vaguement mou de dessous un imperméable chiffonné. Mues par une sorte de reflexe reptilien nous nous levons d’un bond sans regarder où nous sommes, sortons du wagon et nous enfuyons par la première sortie du quai. Nous hésitons entre rire et larmes. Je me souviens que nous en discutons un peu sur un ton offusqué mais sans vraiment réaliser tout à fait ce qui vient de nous arriver. Nous avons 12 ans.

 

Sur le chemin du lycée, au cœur du très beau village d’Auteuil dans l’ouest parisien nanti et calme, je sors du métro. Il fait tiède, c’est le début de l’été et bientôt le baccalauréat. Un jean, des boots, un débardeur blanc genre marcel et mon sac Sequoia en cuir noir sur l’épaule, je traverse les rues sans trop me soucier de ce qui m’entoure. Je m’arrête au croisement de la rue Boileau. Je suis sur le trottoir, au niveau du passage piéton, à attendre que ce soit à moi de passer. Un scooter arrive à ma hauteur et ralentit. L’homme me regarde à peine, tend le bras vers moi, me pince le sein droit assez fort en faisant “pouët pouët” et repart de plus belle. Les piétons qui m’entourent regardent leurs pieds. Ils n’ont sans doute rien vu. Je me demande si cette scène a réellement existé. Le petit piéton passe au vert, j’avance. J’arrive au lycée. Je fonds en larme et finis ma journée à l’infirmerie à me demander ce qui s’est passé.

 

La même année, je suis assise dans une voiture de la ligne 9 du métro, à une place à quatre. Il y a une femme et un homme assis à côté de moi. Ils ne se connaissent pas, chacun reste de son côté. Un homme monte à Porte de Saint Cloud. Il s’assied avec nous. Très rapidement il m’adresse la parole de manière assez agressive : “alors comment ça va depuis hier soir ? on s’est bien maré non ? Faut dire que t’es une vraie salope qui fait des tas de cochonneries non ?” Je suis complètement interloquée et muette de stupeur. Je suis pétrifiée, il n’y a pas d’autre expression. La femme en face de moi regarde par la fenêtre le vide du tunnel, elle semble ne pas vouloir déranger cette palpitante conversation que nous entretenons mon nouvel ami et moi. Ce dernier continue à me gratifier de délicats compliments qui feraient passer le président américain actuel pour un champion de l’amour courtois… J’essaie de changer de place mais il me retient galamment par le bras sous le regard fuyant de l’autre homme assistant à cette scène. Les larmes coulent doucement sur mes joues, dans mon cou, sur mon sac… Il finit par m’expliquer que c’est bien gentil tout ça mais qu’il doit descendre là pour aller bosser et qu’on se reverra une prochaine fois. Il s’en va sans autre forme de procès. La femme assise face à moi me regarde enfin et me tend un paquet de kleenex avec l’air de me sauver la vie au dépens de la sienne “tu peux les garder tes mouchoirs pauvre conne !”  A la réflexion je crois que j’ai dit quelque chose de beaucoup plus violent et vulgaire et j’ai décidé de pleurer très fort pendant tout le trajet pour bien déranger tous ceux qui assistèrent au spectacle en contemplant distraitement le bout de leurs chaussures.

 

Je suis élève en deuxième année dans un Institut d’Etudes Politiques. C’est la fin de la première heure de cours. J’ai une question à poser au professeur d’histoire. Je ne l’aime pas particulièrement. Personne ne l’aime vraiment. Mais j’ai ma question à poser. Je ne me souviens que de sa réponse, dispensée savoureusement devant plusieurs camarades : “mais surtout que cela ne vous affecte pas. J’en pleurerais dans votre giron, que vous avez fort beau d’ailleurs.” Même si c’est bien dit c’est mal placé.

 

Au bureau, au siège social d’une très belle entreprise de la mode parisienne. Je travaille au service informatique, un monde plein d’hommes avec lesquels mes rapports furent aussi divers qu’enrichissants… il est clair que j’ai entendu mon stock de blagues scatologiques, sexistes, racistes sur le mode “ ah ! ah ! on est vraiment des rigolos.” Quand on vit quotidiennement dans cette ambiance, soit on fait une dépression, soit on rigole un peu, soit on pousse le bouchon encore plus loin. Mon attitude était donc un joyeux mélange de ces trois options. Toutefois lorsque j’ai trouvé sur mon bureau un catalogue présentant des sexe toys avec un message laissé à mon attention sur une page précise en face d’un objet précis, je n’ai absolument pas pu essayer de trouver ça drôle. J’ai demandé immédiatement à mon voisin d’en face qui était venu déposer ça sur mon bureau. Il n’en avait aucune idée, il venait de revenir d’une réunion. J’ai fait le tour du service en demandant qui avait osé poser ça sur mon bureau. Personne ne se dénonçait évidemment.  Je suis allée voir les deux directeurs dont j’étais la collaboratrice et leur ai expliqué que soit ils trouvaient immédiatement qui avait fait ça et prenaient les mesures qui s’imposaient, soit je partais à la DRH pour présenter le document et déballer toutes les histoires de harcèlement subies par les femmes du service informatique au quotidien avec les noms des fauteurs. Ils ont fait une enquête rapide et sérieuse et en fin de journée mon voisin d’en face, un bon père de famille catho dont les enfants étaient scolarisés dans la meilleure école privée de sa petite banlieue chic, a consenti à reconnaitre ce qu’il appelait une “petite blague sympathique”. Il a même poussé le bouchon jusqu’à justifier que d’habitude je rigolais bien aux blagues des autres collègues. “quand un gros porc de ton espèce viendra faire une saloperie pareille à ta femme ou à ta fille et qu’elles rentreront à la maison en larmes en se sentant plus humiliée que la pire des merdes n’ayant jamais existé sur terre, tu te souviendras de ce moment précis et tu auras honte. Tu seras mortifié de t’être comporté comme ce gros porc que tu es finalement. Je vais être sympa, quand je les verrai dans la rue je ne leur en parlerai pas.”

 

Ce sont finalement des scènes de la vie ordinaire. Nous avons probablement toutes une ou deux ou trois histoires de ce type en stock. Elles sont lamentables parce qu’elles sont si banales. Mais leur banalité ne les excuse pas. Elles sont communes mais elles sont odieuses. En écrivant ces lignes je pense aussi à mes amies qui ont été violées, ce qui n’a strictement aucun rapport avec ce que je viens de raconter, et qui vont taire l’horreur de ce moment pour essayer d’y survivre.

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