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Le quotidien de la vie

Concilier vie professionnelle de cadre, maternage proximal ou parentalité positive et agriculture biologique sur terrasse en ville.

On the road

On the road

Il paraît que pour quelqu’un qui ne travaille plus, je n’écris pas assez. À quelques heures du prochain match des Golden State Warriors, me voici donc à nouveau à l’ouvrage. Au lieu de réchauffer mes pizzas (épinard ricotta) et de rafraîchir mes bières (brassées localement), je m’en vais vous compter les routes californiennes.

 

Mes lecteurs assidus et amis de longue date savent bien à quel point la route est mon plaisir. Entre le passage très atermoyant de mon permis de conduire français et notre emménagement dans la Silicon Valley, j’ai probablement conduit environ 3000km. Soit la distance moyenne que je parcours désormais en six semaines. Ce qui constitue une légère différence d’échelle. Mais aussi de maîtrise. Après vingt-six mois sur place et deux véhicules usés jusqu’à l’os, je peux vous dire que conduire ici s’avère un sport de combat comme d’endurance, mâtiné de chance et d’aléas. Comme je l’avais évoqué dans mon billet sur le permis de conduire californien, le code de la route, la signalisation et les usages en vigueur sont légèrement différents de ceux qui prévalent en France voire en Europe. Mais ce ne sont pas les seuls obstacles. Penser que la conduite au pays de la ligne droite et du fuel pas cher est une sine cure est réellement un trompe-l’œil. C’est faire peu de cas de l’état des routes, de l’état du trafic et de l’état des conducteurs. 

 

Les routes…

En Californie, les routes sont gratuites. En général. On paie uniquement pour les fast track lanes, des voix plus rapides ouvertes uniquement aux automobilistes qui covoiturent ou qui conduisent une voiture électrique sous certaines conditions ou aux abonnés qui acceptent de payer. A titre d’exemple un tronçon de 1,5 miles que je prends régulièrement quand je carpoole me coûterait entre 1,8 et 4$ en fonction des jours et des heures si je l’empruntais seule. On paie aussi les ponts. Dans la Bay Area la règle est très simple : on paie uniquement dans un sens, celui vers San Francisco. Comme la Baie le permet, j’en fais toujours le tour dans le même sens (des aiguilles d’une montre) afin de ne pas payer : Golden Gate Bridge pour quitter San Francisco et Richmond Bridge ou Bay Bridge pour aller vers Berkeley ou Oakland. Ce sont toujours 5$ économisés.

Dire que les routes sont gratuites est cependant une vraie gageure vu le niveau des impôts payés localement à l’Etat de Californie mais aussi aux différents comtés et aux villes de la Bay Area. Le niveau des prélèvements totaux est très similaire à celui que nous connaissions en France mais les routes laissent nettement plus à désirer. Disons que leur entretien, ou plutôt leur manque d’entretien, occasionnent de vrais défis pour tout engin motorisé et son conducteur. La liste des failles de sécurité est longue. Aussi longue que la 101 (one-ô-one). Il ne se passe pas un jour où je roule sans rencontrer un automobiliste en train de changer une roue, tranquillement, sur une bande d’arrêt d’urgence large comme les Champs Elysées. Entre les nids de poule, les objets sur la route et les cadavres d’animaux en décomposition, il y a en effet de quoi slalomer. Heureusement les routes les plus communes ici sont régulièrement à deux fois trois ou quatre ou cinq voies : on développe un art de l’esquive de dernière minute sportif et salvateur. Car oui, les nids de poule, les objets et les cadavres d’animaux en décomposition sont bien le lot commun des grands axes autoroutiers, pas du tout des chemins vicinaux perdus dans la montagne californienne. Et tous ces obstacles sont à la mesure du pays : tout est plus grand ici qu’ailleurs ! Le nid de poule a la largeur d’un pneu de 38 tonnes. Sa profondeur aussi, malheureusement. Les objets sont variés : poubelle pleine chutée d’un pick-up où elle était mal ficelée, sapin de Noël perdu sur la route par ses récents propriétaires, chargement de camion dispersé sur la chaussée. Je me rappelle d’un important ralentissement, un matin, sur le chemin de l’école : sur une distance de peut-être 1km, la totalité des quatre voies était parsemée de protections de jiu-jitsu, en mousse rouge et bleue. Une voiture de la Highway Patrol slalomait entre ces objets avec une portière ouverte et un pauvre représentant de l’ordre essayait désespérément de « ranger » la freeway. J’aurais bien vu ça dans Interville ou Fort Boyard. J’ai déjà roulé sur une bèche, un balai de chantier, des emballages en polystyrène. Ce qui n’est rien par rapport aux cadavres d’animaux qui ne sont jamais pris en charge. Le premier jour, on voit l’animal allongé en travers de la route : tiens, un raton laveur (un blaireau, un opossum, un skons, un chat, un chien ou une biche). Le lendemain, il semble un peu dégonflé et le pelage moins luisant. Au troisième matin, il montre clairement ses entrailles et les vautours sont de la partie. Puis les jours qui suivent le mettent complètement à plat, lui donnant un air de carpette sanguinolente. Parfois il est repoussé en bordure de route par les embardées des pick-up. Je ne sais pas trop comment termine la carcasse : au fond du fossé ou complètement agglutiné au macadam, comme fondu dans la route. 

Ce qui explique grandement le nombre de naufragés du bitume qui changent placidement leur roue en bordure d’autoroute. Les moins courageux (ou les plus réalistes) font appel à leur road side assistance. On croise ainsi un towing truck tous les 3 km… heureusement il y a généralement une large bande d’arrêt d’urgence à droite ET à gauche. Les reliefs des véhicules accidentés s’ajoutent à la longue liste des dangers quotidiens : pneus explosés, pare-chocs perdus, vitres émiettées. Parfois les voitures elles-mêmes séjournent longtemps, dans des positions improbables, aux intersections du théâtre de leur malchance et à l’horizon d’une longue trace de freinage noire définitivement ancrée dans le revêtement, avant que de n’être remorquées…

                                                                                                                                      

Le trafic

Les seules images qui me réjouissent sont celles prises dans la banlieue de Pékin, entre le 8èmeet le 10èmepériphérique de cette ville gigantesque et polluée. En-deçà de cette extrémité, vous êtes forcément en train de regarder le film du trafic local de la baie de San Francisco. C’est bien simple, les heures de pointe courent de 6h à 10h le matin et de 14h à 19h le soir. Dans cette fourchette de temps, si vous êtes seul dans votre véhicule et empruntez un axe très fréquenté, vous pouvez vraiment mettre une heure (ou deux, oui oui) pour faire moins de 10km. Au mois de mai, j’ai dû aller avec mon fils aîné au consulat de San Francisco pour faire refaire nos passeports. Nous aurions pu y aller en RER local mais il était malade alors j’ai pensé que la voiture me laisserait plus de liberté. Ce qui a été le cas. Nous avons quitté East San Jose à 6h40 du matin et avons atterri sur 2nd Street au cœur de The City à 8h45. Tout en étant autorisés à emprunter la voie réservée au covoiturage pendant environ 75% de notre trajet. 

Pourquoi tout ce trafic ? La région est une des plus peuplées de Californie du fait de la multiplication des Tech Companies. L’habitat est coûteux et dispersé. Il est plus que commun de passer trois ou quatre heures dans sa voiture tous les jours car on n’a vraiment pas les moyens d’habiter à proximité de son travail, parce que les gens changent souvent de travail, parce qu’il n’y a plus de logement libre à moins de 20 miles des entreprises. 

Il y a toutefois d’autres explications qui tiennent davantage à la manière dont la circulation des véhicules est conceptualisée ici. Il y a des feux partout. Tout le temps. Pour avancer, pour tourner, pour faire demi-tour, pour laisser les (invisibles) piétons passer, pour laisser les tramways (vides) passer. Et personne ne passe en même temps. Chacun passe à son tour. Et le tour est long à venir. Il m’est arrivé d’attendre 4 vraies minutes à certaines intersections. Sans parler des passages à niveaux qui se ferment en plein journée pour laisser passer en pleine ville, une vieille locomotive de la Pacific et vous bloquent un temps certain. Et puis il y a les voies avec affectation de direction : quand les deux voies les plus à gauche servent toutes les deux à tourner à gauche et que celle la plus à gauche des deux sert aussi à faire demi-tour, la quasi-totalité des automobilistes s’enquillent à la queue-leu-leu sur la plus à droite (vous suivez ?). Du coup la file est très longue et il faut attendre très longtemps pour pouvoir se mettre tout-à-fait à gauche et avoir l’espoir de se rabattre ensuite sur la droite une fois le feu au vert. En allant juste un peu plus vite que les voisins de droite qui font un virage très large et vont souvent… à gauche. Enfin les feux ne sont généralement pas synchronisés. Ou alors répondent à une synchronisation assez inattendue. L’arrivée du tramway interrompt ainsi systématiquement les tours de chaque file car il est prioritaire. Le passage de piétons allonge la durée d’attente car vue la largeur des avenues on leur octroie jusque 45 secondes pour passer en étant protéger de tous les flux de véhicules donc aucune voiture ne passe pendant ce temps, puis le ballet reprend. Car oui, autre spécificité locale mais vraiment appréciable, on laisse absolument passer les piétons, sans les klaxonner ni leur tailler un short. 

 

Les conducteurs

Le fossé culturel se loge dans des recoins insoupçonnables. Après plus de 30 000 miles ici, je ne sais toujours pas si les USA appliquent les règles de priorité à droite ou pas. Personne ne se soucie de ne pas dépasser les autres véhicules par la droite. Au début, on se fait de vraies frayeurs à sentir un gros pick-up débouler côté passager. A la longue, on s’y fait. A la fin, on fait pareil, histoire de ne pas rester bloquer ad vitam derrière une vieille Toyota Camry dorée. De la même manière, je pense que les clignotants sont livrés en option sur la grande majorité des véhicules Nord-américains. Je ne me fais jamais dépasser par la droite par des automobilistes se signalant préalablement… c’est fou. Force est par ailleurs de constater que les automobilistes qui se signalent lors de changement de direction sont à peine plus visibles que les autres parce que les clignotants sont vraiment exotiques ici. On a le modèle Ford Mustang qui aligne trois feux qui clignotent successivement dans le sens où on suppose que la personne va tourner. On a aussi les clignotants englobés dans les feux stop donc si le gars devant pile et change de direction, on peut paniquer assez vite. Le permis est plutôt facile à obtenir, j’en suis la preuve vivante. Notamment parce que sans permis ici, on a la certitude d’agoniser sans nourriture ni emploi. Le supermarché le plus proche est à 35 minutes à pieds. Pour le boulot, se reporter au paragraphe précédent. Du coup, beaucoup de conducteurs sont relativement légers ou inexpérimentés. Conduite lénifiante donc, largement accentuée par des véhicules assez volumineux qui semblent protecteurs, un système de boite de vitesses automatique qui fait qu’on peut littéralement conduire en dormant et des routes avec peu d’intersections non protégées ni ronds-points. Enfin, ici dans la Bay, il n’est pas nécessaire de savoir se garer autrement que sur de larges parkings. Ce qui provoque de grands moments de solitudes pour les locaux qui doivent dans de très rares occasions se lancer dans un créneau (parallel parking => enjoy!). Vu la largeur des véhicules et leur habilité à la manœuvre, on peut généralement passer une moto-crotte entre leur voiture et la bordure du trottoir et garer une twingo entre les pare-chocs arrière et avant. 

Mais il y a une chose que l’on ne peut absolument pas enlever aux conducteurs californiens, dans leur très grande majorité, c’est le calme et la courtoisie au volant. Ils sont capables de patienter des longues minutes ou heures, sans rechigner, pour attendre le passage d’un piéton, d’un train, d’un convoi ou la fin d’un bouchon. Ils ne s’engagent jamais s’ils risquent de bloquer l’intersection. Ils ne klaxonnent pas si le véhicule qui les précède n’a pas démarré à peine le feu passé au vert. Ils montrent derrière leur volant la même résignation que face à la suppression de leurs acquis sociaux ou la menace du réchauffement climatique. Une sorte d’incroyable tempérance mâtinée de quiétude. On the road, c’est déjà le rêve américain. 

 

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D
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C
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